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Ultime message adressé à notre ami JACQUOT lors de son dernier voyage.

ADIEU MON AMI JACQUOT

  Ces quelques lignes résonnent comme une promesse faite un jour comme un autre, alors que nous débattions de tout et de rien et que te vint à l’esprit, après le départ d’un ami commun, cette question :

"Et pour moi,est-ce que tu écriras quelque chose" ?            

                                                             

JACQUOT MON  AMI  

Tu as été pour nous tous, le grand-frère que l’on aurait tant aimé avoir. Au-delà de tes connaissances, de ton savoir et de ton amitié solide et fidèle, tu as toujours tendu cette main fraternelle et authentique, à qui savait la saisir.

Tu faisais à l’unanimité, l’admiration de tous, n’étant pas homme à jeter l’opprobre gratuitement sur autrui. Tu n’avais pas le verbe haut, pas de rancune ni d’amertume envers quiconque, mais tu savais choisir et garder tes vrais amis, auxquels tu vouais une fidélité sans faille, pleine d’admiration.

Si un profond désaccord devait intervenir, tu étais le premier à vouloir minimiser ou désamorcer l’incident, afin de ne pas aller au conflit. Mais tu savais comme nul autre, avec détermination, appeler un chat, un chat. Comme tu nous l’as souvent dit et répété… « Moi, les « niais », je les ignore, parler d’eux, c’est leur donner trop d’importance ». Tu avais cette propension de juger sans condamner, prendre position sans influencer, avec cette tolérance, cette retenue, qui faisaient de toi un grand sage, un modèle de discernement.

L’ami que tu es devenu fort logiquement, fut d’abord pour nous, le « Monsieur »… marchand de lunettes. Celui qui s’affairait dans son officine pour rendre service à ses clients, souriant et serviable, toujours de bon conseil, reconnu de tous pour son savoir et son professionnalisme. Un petit coup de pince par ci, une petite chauffe par là, un léger coup de tournevis, et hop ! L’affaire était jouée. L’objet de guingois était remis d’équerre en moins de temps qu’il n’en fallait pour le dire. Tu redonnais un visage à une tronche en biais, tu habillais un « bigleux » sans pour autant l’affubler de « culs de bouteille »… un vrai métier.

Passionné par ton travail certes, mais amoureux fou de ton autre passion dès ta prime jeunesse, le vélo. Malgré tes nombreux exploits et réussites, tu n’as cependant jamais osé t’inscrire et te joindre à cette confrérie des cent cols, trop humble pour revendiquer un tel honneur.  La définition que l’on peut  donner de cette confrérie te sied pourtant bien : « Toute notion de vitesse ou de performances étant étrangère à la philosophie du club des cent cols. Seule la découverte de paysages de montagne est la motivation première des ses adhérents ». Mais par pudeur, tu t’es hélas toujours refusé à cette notoriété. Ton tableau de conquêtes vers les plus hauts sommets est tellement fourni et complet, qu’il en restera toujours ce regret.

Grand baroudeur, tu as parcouru toutes les routes de France et de Navarre souvent accompagné de tes fidèles amis, J. Claude, Abel, Gérard, José, Gilbert, en y associant Louis trop tôt disparu, et bien d’autres encore. J’en veux pour preuves tous ces grands brevets cyclo-montagnards alpestres ou pyrénéens réussis en leur compagnie, Thonon/Triestre, tour de Corse, tour du Loir et Cher, tour du Tarn, Vendôme/Gévelsberg, des semaines fédérales, des grands brevets 150/200/300 km et autres diagonales. Ajouté à cela des dizaines de milliers de km parcourus avec tes amis de toujours, sur les diverses routes de ton cher Vendômois.

Cependant, jamais tu ne t’es risqué sur un Paris/Brest/Paris, ta modestie et ta sagesse légendaire en sont certainement la cause, mais en aucun cas un manque de qualités ou de capacités. Modeste, comme toujours à vouloir minimiser tes grandes épopées réalisées, et tous ces trophées acquis de hautes luttes lors de mémorables chevauchées. Avec la même réussite sur le vélo, que dans tes narrations, tes écrits, relatant ces faits ou péripéties d’une plume légère et juste, dans un français de bonne facture, impeccable et parfaitement maîtrisé.

Si un néophyte devait pour une première fois gravir un grand col, c’était vers toi et ta grande sagesse qu’on devait l’orienter, avec une certitude, celle d’arriver en haut. Tu savais par expérience modérer les ardeurs de chacun, lever le pied quand la pente se faisait rude, enlever du braquet et mouliner davantage quand le souffle se faisait court. Toujours en gardant sous la semelle cette petite marge, sans entamer tes réserves en prévision de moments plus difficiles.

Telle était ta philosophie, ta façon bien à toi d’appréhender le vélo et sa pratique, libre ou débridée, mais toujours empreinte de raison, de sagesse et de modestie.

Il n’était pas rare de t’entendre pousser la chansonnette, à l’arrière du groupe lors de sorties dominicales, fredonnant des airs de jeunesse ; n’était-ce pas là une forme de zen attitude, de bien être, démontrant une tranquillité, une sérénité ? Drôle de paradoxe pour une nature anxieuse, stressée, angoissée, plutôt fragile.     

Tu te mettais souvent en retrait, en situation d’échec en te mésestimant ou en dévalorisant ta culture, ton savoir, par ailleurs riches et très étendus.

Au sein du bureau de l’USV Cyclo, dévoué, efficace et compétent, pendant de nombreuses années à des postes clés différents suivant les besoins du club, dont celui de secrétaire. Tour à tour dans pratiquement toutes les  commissions, parcours, bulletin, VTT et même ravitaillement. Tu apportais ton aide précieuse avec compétence à toutes les organisations et manifestations, sans jamais imposer une quelconque orientation, mais toujours dans le respect des directives de la hiérarchie, émanant de bénévoles du même acabit. Tu te confinais par discrétion (une qualité que tu as fait tienne), dans un rôle qui te mettait volontairement en retrait, revendiquant cette fonction modeste de ‘’grouillot’’ à laquelle tu tenais tant. 

Lors de sorties festives entre amis, tu aimais te délecter de bons mots, de jeux de mots, sans gros maux, friand de quelques histoires drôles ou sketchs dont tu t’enivrais. Tu étais bon public et aimais rire de tout et n’importe quoi dès que tu retrouvais les copains. Tu savourais ces instants comme une bouffée de jouvence rafraîchissante, un bonheur simple et éphémère.

Tu rejoignais tes copains et amis, simplement pour partager ensemble ces moments joyeux. La simple idée de les retrouver te mettait du baume au cœur, ces heures passées avec eux à blablater, décortiquer, critiquer et certaines fois se moquer (mais toujours dans le respect), se surprendre à caricaturer tels ou tels faits et gestes, suffisaient à cette rencontre, et devenaient des moments tellement réjouissants qu’ils étaient incontournables et tant attendus. Tu ajoutais par gentillesse : « Je me sens fabuleusement bien avec vous, je devrais vous payer pour ces purs moments de plaisir et de bien-être, instants magiques, pendant lesquels on oublie tout ».

Au-delà de ce bonheur que nous avions à refaire le monde le vendredi matin jour de marché, dans un esprit potache, à magnifier ces matinées sans se prendre plus qu’il ne faut au sérieux, tout portant à croire  qu’il est bon de rire dix minutes par jour pour rompre la morosité. Nous avions certains jours pris tellement d’avance, comme une anticipation sur des jours plus sombres qui immanquablement finiraient par poindre. Rien ni personne ne pourra nous enlever de tels moments jouissifs, un bonheur revendiqué, dénué de toute méchanceté, par de drôles d’écoliers en goguette.

Depuis quelques années déjà, tu souffrais en silence de ton devenir, exprimant souvent une anxiété, un désarroi, sur un avenir incertain que tu n’envisageais pas simple, comme une fatalité devant cette hérédité sous forme d’héritage maternel.   Si le passé restait bien présent, ancré dans ta mémoire, il n’en était pas de même pour le présent, qui lui, te semblait plus flou, plus lointain, comme un brouillard envahissant, enveloppant dans un linceul le fruit, la raison d’être de toute une vie.

Quelques échanges complices alors que nous fêtions ton soixante-dixième anniversaire, laissaient entrevoir cette lassitude, ce besoin de solitude. Entouré de tes amis les plus fidèles, tu feignais ne rien laisser paraitre, si ce n’est quelques maladresses gestuelles ou verbales annonciatrices d’une lente mais inéluctable dégénérescence que tu savais déjà intruse comme un piège qui se referme.

Puis les mots susurrés sont devenus réalité, jusqu’à se confondre, devenir flous et discordants, rappelant ce dur diagnostic comme un destin tracé d’avance.

Tu t’es tout doucement éloigné du monde réel pour t’enfermer dans le tien …le virtuel, comme une prison sans barreau à ciel ouvert. Pourtant bien entouré, choyé, chéri, couvert d’amour, jamais dans l’oubli, tu as glissé doucement sur cette pente qui t’a transporté inexorablement vers le monde du silence.

Une profonde angoisse nous envahit aujourd’hui sous forme d’impuissance devant cette dure et triste réalité à laquelle nous avons été confrontés.

Nous avons multiplié les maladresses, un peu gauche dans l’attitude à adopter devant de tels faits, incapable de t’apporter l’aide qu’on aurait tant souhaité te donner. Même notre vocabulaire pourtant pensé et réfléchi, semblait inapproprié, confus et inadapté. Nos déficiences, nos manques de communication, nous rendaient coupables de ces silences, laissant transparaitre nos faiblesses et nos doutes.

A défaut d’une communication effective, un échange de sourire, le simple fait de pouvoir se toucher, se regarder, d’être juste présent, ne suffisait-il pas à nous comprendre ? Ne représentait-il pas un grand bonheur pour toi, mais aussi pour nous ?

Nos multiples pensées vont vers toi, nos cœurs blessés battent la chamade, nous restons cois et nos palpitations se font plus rapides jusqu’à un mal-être difficile à maîtriser. Dans nos oreilles abasourdies, ces sons divers et incohérents résonnent encore comme des fausses-notes difficiles à entendre. Visiblement nous n’étions pas armés pour te venir en aide, te soutenir comme on l’aurait voulu, dans ce combat solitaire que tu as mené avec courage et acharnement.

Nous aurions en ce jour tant de choses à te dire, point n’est besoin de grandes phrases qui seraient inaudibles, les mots les plus simples ne semblent pas résonner juste, entremêlés qu’ils sont dans nos gorges serrées, où même notre salive n’y trouve place.

Devant le courage que tu as démontré chaque jour face à cette adversité, nous aurions aimé une dernière fois t’étreindre dans nos bras, t’assurant de notre profonde et sincère amitié, simplement te dire que l’on t’aime.

Aujourd’hui tu nous as quittés discrètement sur la pointe des pieds, apaisé, poussant cette porte qui mène vers l’au-delà, mais qui hélas ne s’ouvre que dans un sens et se referme brusquement. Même si l’athée que je suis aimerait tant en détenir la clé.

Tu pars y rejoindre des êtres qui te sont chers, des amis cyclos disparus beaucoup trop tôt eux aussi.

Tes relations, tes copains, tes complices, tes potes, tous ceux qui t’ont connu et côtoyé en diverses circonstances, sortiront grandis et fiers de cette rencontre. Ils sont tous aujourd’hui dans une profonde peine, empreints d’une tristesse infinie, mais ne t’oublieront pas.

Nous garderons dans nos cœurs ton sourire malicieux, ta bonne humeur, ta joie de vivre très communicative et ta simplicité teintée d’humour.

Adieu JACQUOT, tu étais et resteras notre ami.                            

                                                                                                           J/F   


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